VILLE (urbanisme et architecture) - L’évolution de la ville islamique

VILLE (urbanisme et architecture) - L’évolution de la ville islamique
VILLE (urbanisme et architecture) - L’évolution de la ville islamique

L’évolution des villes en pays d’islam constitue l’un des champs de recherche vers lesquels convergent les curiosités des spécialistes sans que de la confrontation de leurs points de vue se dégagent des positions ou doctrines toujours cohérentes sur des questions par définition complexes.

On sait combien, de manière générale, le phénomène urbain reste difficile à saisir sur le double plan de ses manifestations apparentes, c’est-à-dire essentiellement architecturales, et de ses rapports avec un ordre politico-social et des conditions économiques dont il faut apprécier chaque fois les variations pour comprendre la signification des données concrètes. Mais l’incertitude des méthodes d’approche croît encore lorsqu’on touche au monde islamique et que l’on s’efforce de considérer, dans une vision globale, les formations urbaines qui se sont multipliées et parfois succédé au sein d’un aussi vaste ensemble de paysages, de climats et de groupes ethnico-linguistiques. On constate alors qu’il s’agit d’un ensemble hétérogène dont l’unité de religion n’a jamais garanti l’unité politique, mais qui ne cessa néanmoins d’être qualifié d’islamique à partir du moment où un «domaine de l’islam» avait été créé au VIIe siècle, lequel continua de se réclamer, par-delà les invasions, le morcellement et la montée des nationalismes, d’une telle dénomination comprise comme le garant de sa volonté unitaire.

Théories et interprétations touchant l’urbanisme dit islamique varient d’autant plus qu’il y eut fréquemment création inconsciente de mythes dus à la projection dans un passé lointain de faits relativement récents, ou encore à des généralisations hâtives à partir de discussions polémiques, à des confusions entre particularités régionales et réactions de caractère plus universaliste, au désir enfin de maîtriser ici ou là les mutations en cours en se référant à une opposition facile entre le poids du passé et une modernité qui avait été souvent véhiculée par l’influence de pays non musulmans.

C’est cette situation confuse que reflète la faveur dont jouissent de façon contradictoire, dans bien des essais, non seulement des termes relativement précis comme «ville arabe», «ville méditerranéenne», «ville asiatique» ou «ville orientale», employés concurremment et parfois confondus entre eux, mais surtout l’expression adoptée, sans définition préalable, de «ville islamique» ou «ville musulmane». Comme si l’existence, affirmée a priori, d’un type original de ville, destiné à abriter les membres de la communauté musulmane et à leur offrir le cadre indispensable à l’accomplissement de leurs obligations cultuelles, répondait directement à l’un des impératifs de l’islam, dont l’essor aurait entraîné celui des groupements urbains qui lui sont nécessaires et qu’il aurait modelés.

Le même postulat se trouve à l’origine des simplifications auxquelles d’aucuns ont été tentés de se livrer pour définir l’organisation de cette «ville islamique idéale» à partir d’un certain nombre de traits tels que la situation centrale de l’élément «mosquée» ou des éléments complémentaires «mosquée/hôtel de gouvernement», l’association du souk ou bazar et de la mosquée, le caractère tortueux des voies de circulation, l’opposition constante qui existe entre secteurs résidentiels et secteurs réservés au commerce ou à l’artisanat, le cloisonnement intérieur des quartiers et des habitations ou encore l’abondance des édifices dits à patio. Autant de formules qui correspondent, certes, à des faits d’observation valables pour tel lieu ou telle période, mais qui sont devenues sources d’erreur lorsqu’on a voulu en généraliser l’application et greffer imprudemment la notion de «ville islamique» sur les résultats d’enquêtes particulières. Car ni les conclusions de travaux poursuivis sur les modes d’habitat et les réseaux de communications dans les villes actuelles, ni les curiosités d’historiens qui se livrent à des classements et reconstructions à partir de données textuelles et monumentales parcellaires, recueillies sur des secteurs anciens d’âges fort divers, ne suffisent à expliquer des évolutions qui restent marquées chacune par des conditions locales ou régionales et qui, d’autre part, ne doivent jamais être considérées indépendamment des évolutions urbaines qu’on peut observer au sein d’autres civilisations de la même époque.

Fonctions élémentaires

Un point fondamental à souligner est en effet que, au niveau des fonctions élémentaires, le rôle joué par les villes à l’intérieur de l’espace islamique ne différa jamais sensiblement de celui que jouaient, en d’autres lieux, les villes contemporaines de même importance.

Fonction politico-militaire

On reconnaît d’abord, parmi les fonctions que ces villes remplirent à l’époque médiévale, la fonction politique assumée avec plus ou moins d’éclat, soit par les capitales successives des empires omeyyade, abbasside, fatimide, seldjoukide, séfévide ou ottoman, pour ne citer que quelques empires choisis parmi les plus illustres, soit par des chefs-lieux de provinces ou des sièges de principautés indépendantes. Elle se confondait plus ou moins avec la fonction militaire et défensive assumée par les premières villes-camps, puis par des résidences royales protégées, enfin par toutes les petites localités fortifiées, élevées ici ou là et ayant conservé jusqu’à la période moderne leurs enceintes, souvent imposantes. De manière générale, ces villes possédaient une résidence émirale qui constituait souvent le centre des fondations neuves, mais pouvait aussi être abritée dans une citadelle contiguë, ainsi qu’on le remarque dans des villes plus anciennes, iraniennes comme Nîshâpûr, ou syriennes comme Alep ou Damas. Ce dernier cas fut la règle aux époques d’affaiblissement du pouvoir central: pour sa sécurité, la ville ne pouvait se passer d’un rempart, dont certains quartiers débordaient d’ailleurs, tandis que la citadelle ne cessait de garantir le rôle effectif du prince ou de son représentant dans la vie de la cité.

À cet édifice officiel se rattachaient les hôtels particuliers qui abritaient, à l’intérieur de la ville et parfois sur des terrains concédés à cet effet, les principaux membres de l’aristocratie militaire, entourés eux-mêmes de leur propre maison et de leur propre clientèle d’hommes d’armes. L’importance prise, à l’époque mamelouke, par exemple, par de telles habitations, réservées à des gens que leurs fonctions et leur origine étrangère séparaient du reste de la population urbaine, concourait à modeler la physionomie de la ville; à leur intention devaient être notamment prévus de vastes esplanades et hippodromes, utilisés pour la revue des troupes ou l’accomplissement des exercices équestres, et des souks spécialisés – les souks dits «aux chevaux», où les cavaliers pouvaient se procurer tous les équipements nécessaires.

Fonction religieuse et intellectuelle

De son côté, la fonction religieuse s’affirmait à la même époque par la présence, dans toute bourgade pourvue d’un nombre déterminé d’habitants, d’une grande mosquée, centre politique et culturel où se déroulait, le vendredi à midi, la prière communautaire, obligatoire pour tout croyant. Cette fonction se doublait d’une fonction intellectuelle assurée d’abord dans cette même mosquée, où étaient dispensés tous les enseignements en sciences religieuses qui furent ensuite transférés ailleurs. D’où la progressive multiplication d’établissements spécialisés pour des enseignements d’ordre juridique (madrasas ou «collèges»), traditionnel (dâr al-hadith), médical (maristans ou «hôpitaux») ou encore mystique (ribats, khanqahs, zawiyas, tekkes ou «couvents»), qui furent tantôt groupés auprès du principal lieu de culte, tantôt disséminés dans les divers quartiers intra- ou extra-muros et alors pourvus de leurs propres oratoires.

La mosquée principale, dont la superficie grandit d’abord en fonction du développement de la population urbaine tout entière, mais qui fut ensuite conçue à l’échelle du quartier, se distinguait par son caractère monumental. La solennité qu’y revêtait chaque semaine le sermon de l’imâm y imposait la présence d’un minbar précieusement décoré, magnifié par le souvenir du temps où le calife y siégeait ou bien y déléguait son représentant. Le bâtiment lui-même restait fidèle, en dépit de variations locales, aux exigences observées du temps du Prophète, ainsi qu’à celles du faste princier qui s’y déployait. L’imitation de certains usages palatins y avait fait figurer la réduction d’abside devenue, sous le nom de mihrâb, l’emplacement privilégié vers lequel devaient se diriger les regards des croyants, pour imiter les gestes de l’imâm comme pour chercher dans cette niche vide un symbole de l’inaccessibilité divine. L’habitude de l’appel à la prière s’était d’autre part combinée à d’anciennes réminiscences architecturales pour justifier la présence, à l’extérieur, d’une ou de plusieurs de ces tours, rondes ou quadrangulaires selon les régions et les époques, que l’on appelle des minarets. Enfin, l’espace spécial réservé au souverain, ou maksûra, en arriva aussi à tenir dans la structure du monument une place dominante.

Nombreux furent en effet les chefs-d’œuvre architecturaux réalisés à l’époque classique sur le thème initialement simple de la mosquée, devenu ensuite pour tout dynaste l’occasion de se singulariser par une construction plus prestigieuse encore que celles de ses prédécesseurs ou rivaux. Dans la construction solide de ce lieu de réunion par excellence, qui abritait à l’origine le trésor des musulmans comme le tribunal du cadi ou le cercle du mystique, se trouvaient chaque fois matérialisées la grandeur et la richesse du prince autant que celles de la ville.

On y ajoutera les nombreux oratoires de petite superficie, ou masdjids, situés partout dans la ville, y compris dans les quartiers les plus actifs où parfois ils occupaient le premier étage d’une maison, ou bien se trouvaient intégrés à d’autres édifices tels que collèges, couvents ou mausolées. Ces derniers, de plus ou moins grande ampleur, organisés à la fin du Moyen Âge en véritables complexes architecturaux, se présentaient souvent comme de somptueuses constructions privées ou royales, entretenues sur des sommes réservées à cet effet selon un système particulier d’immobilisation des biens de main-morte. Leurs structures, intégrées peu à peu au paysage urbain, se pressaient aussi dans ces espaces dépouillés situés hors du périmètre bâti qu’étaient longtemps demeurés les cimetières.

Fonction économique

Enfin, la fonction économique était essentielle dans toutes les villes, petites, moyennes ou grandes, qui furent sièges d’activités locales, artisanales et commerciales, et parfois plaques tournantes d’un trafic de transit dépassant à l’occasion les limites du monde musulman, mais qui se développait surtout à l’intérieur de ses frontières. Les boutiques, où des artisans vendaient les produits qu’ils fabriquaient eux-mêmes et où des marchands proposaient ceux qu’ils avaient achetés à l’extérieur, étaient groupées pour former les souks; leur originalité était due moins à des prescriptions juridico-religieuses proprement islamiques qu’à certaines nécessités d’une économie de type médiéval et à des influences diverses, y compris celles des civilisations antérieures. Au-delà d’une spécialisation et d’une concentration qui ne furent jamais aussi complètes ni systématiques qu’on l’a prétendu, il s’agissait en effet surtout de rues ou de quartiers marchands organisés pour régulariser les échanges entre la ville et son entourage immédiat.

Similitudes et diversification

Tout en répondant à ces diverses fonctions, les villes, dont on peut suivre le plus longuement l’histoire dans un monde islamique aux dimensions d’ailleurs changeantes, connurent des disparités ou au contraire des similitudes d’ordonnance et de paysage commandées par des facteurs extrêmement variés. Ce furent les conditions géographiques communes à l’ensemble des pays d’une zone subaride à l’habitat clairsemé qui imposèrent, par exemple, à certaines agglomérations des contraintes presque partout observables sous une forme ou une autre: ainsi le problème de l’alimentation en eau y resta toujours au premier plan des préoccupations, que cette alimentation fût assurée par des rivières canalisées comme à Damas, par le captage de sources comme à Alep, par l’utilisation de machines élévatoires comme à Hama, par la construction d’aqueducs monumentaux comme à Istanbul, par le forage de galeries souterraines comme dans les villes d’Iran, par des citernes et bassins comme à Kairouan ou par la proximité directe de grands fleuves comme pour Bagdad et Le Caire. Au même souci était lié le goût que conservèrent longtemps leurs habitants de multiplier partout, le long des rues comme à l’intérieur des maisons, des fontaines et points d’eau ainsi que des bains publics et privés.

De même, le problème des voies d’accès était primordial pour des raisons politiques et stratégiques comme pour des raisons commerciales. Les grandes agglomérations islamiques anciennes furent ainsi presque toutes situées à des carrefours naturels ou à des nœuds de routes: typique est à cet égard le cas de villes fondées comme Bagdad ou Fustât-Le Caire, mais on peut en dire autant de villes ayant conservé sous l’islam leur prospérité antérieure comme Damas ou Istanbul par exemple, l’instabilité, plus apparente que réelle, de certaines agglomérations tenant surtout à la précarité du matériau avec lequel elles étaient bâties. Villes méditerranéennes côtières et villes d’oasis de plaine ou de montagne, villes marchés concentrant la production d’une riche province et villes refuges profitant au contraire de leur isolement, capitales dynastiques vouées ensuite à un irrémédiable déclin et villes sanctuaires continuant de jouir de leur ancienne célébrité, les villes en pays d’islam naquirent et se développèrent comme toutes les autres cités du monde, revêtant des aspects divers selon qu’elles avaient été créées de toutes pièces ou s’étaient au contraire superposées à d’anciens foyers actifs.

Quelques types correspondant aux étapes historiques

Le fait le plus important reste qu’une véritable communauté de destin lia toujours les villes entre elles et fit évoluer leur urbanisme selon un rythme parallèle à celui du développement de l’islam lui-même en tant que civilisation. C’est ce qui permet de reconnaître, dans leur organisation, des types correspondant aux grandes étapes historiques que l’on distingue par ailleurs. Faute de pouvoir présenter ces divers types avec les nuances qui s’imposent, on se contentera de quelques exemples.

Ville de la Conquête

Le premier type sera pris à l’époque de la conquête islamique du VIIe siècle, lorsqu’une importante expansion urbaine se marqua par la création de villes nouvelles. L’afflux d’envahisseurs venus d’Arabie qui, dans les premiers temps, restaient groupés tout en progressant dans des régions hostiles explique le phénomène. Par la suite, la sédentarisation de groupes arabes qui ne s’adonnaient que rarement à l’exploitation agricole ne fit que le renforcer. Aussi bien les premières installations fondées par les conquérants furent-elles des villes-camps encore très rudimentaires, voire provisoires. Les quartiers bâtis succédant aux simples cercles de tentes nomades, elles se transformèrent peu à peu en agglomérations stables et définitives: ce furent, en Irak, les nouvelles villes de Basra puis de Kûfa, en Égypte celle de Fustât, en Syrie celle de Djâbiya que cependant les conquérants abandonnèrent ensuite pour se fixer dans la toujours prospère ville de Damas, ou même se disperser dans toute la province. Un peu plus tard, en Iran et au Maghreb, d’autres camps furent créés, tel Kairouan dans la plaine intérieure de l’Ifrikiya, dont la prospérité grandit jusqu’à l’époque ziride, et tels ces centres établis dans les provinces iraniennes qui n’eurent jamais qu’une existence précaire au milieu des révoltes fréquentes de la population autochtone non convertie.

Ville omeyyade et abbasside, ville de gouvernement

Un peu plus tard, on vit naître, par le fait d’une symbiose qui ne mit pas plus d’un demi-siècle à se réaliser, le type de la ville omeyyade, qui, pour une part, allait servir de modèle aux réalisations abbassides. Ses traits d’urbanisme les plus caractéristiques tenaient à ses liens avec les villes antiques qui l’avaient précédée, parfois sur le même site: ainsi à Alep, Damas ou Lattakiye, où subsistent quelques traces des plans hellénistiques. Mais cette continuité d’une tradition syrienne antérieure est encore plus frappante à observer dans les cités créées alors par la seule volonté des nouveaux maîtres. On voit ainsi la petite ville omeyyade de Ayn al-Djarr reproduire le schéma d’une ville antique pourvue d’une enceinte rectangulaire et traversée par deux rues axiales se coupant à angle droit en un point central marqué d’un tétrapyle. Des lotissements imités des insulae y regroupaient les habitations les moins luxueuses, tandis que l’ensemble était dominé par le thème des avenues à colonnades bordées de boutiques, que l’on accuse trop souvent l’urbanisme musulman d’avoir négligé.

Plus tard encore apparut, sous une forme qui devait connaître une vogue particulièrement longue, la ville de gouvernement dont la grandeur de conception, sur la base d’un plan régulier à larges voies rectilignes, s’articulait autour de monuments principaux, le palais et la grande mosquée contiguë. L’exemple le plus illustre en est sans doute la ville Ronde du deuxième calife abbasside al-Mansur, dans la mesure où cette cité royale, au moment de sa fondation en 762, avait été ouverte à des activités commerciales et artisanales destinées ensuite à essaimer dans ses alentours et à faire de Bagdad une immense métropole d’empire: centre politique, intellectuel, religieux et économique qui ne cessa pendant plusieurs siècles de s’étendre sur les deux rives du Tigre. Ville de gouvernement fut aussi un peu plus tard, au IXe siècle, la capitale temporaire de Samarra, qui comprit certes des agglomérations successives, allongées le long du Tigre sans être protégées par la moindre fortification, mais dont chaque noyau s’organisait de manière stricte au voisinage du palais et de la grande mosquée du souverain fondateur.

Ville de gouvernement fut encore la ville que fondèrent en Égypte les califes fatimides et qui porta le nom du Caire tout en prenant la suite de Fustât et des localités qui lui avaient déjà succédé. Ville de gouvernement enfin ne cessa d’être la Cordoue émirale, puis califienne, qui connut sous les Omeyyades d’Espagne, et plus particulièrement au Xe siècle, l’apogée de sa puissance.

Villes fortifiées du monde islamique morcelé

Mais bientôt, de la désagrégation de ces capitales d’empire et du morcellement du monde islamique lui-même, un autre type de ville naquit, sensiblement différent de la métropole abbasside et plus proche de la ville féodale de l’Europe occidentale. Son essor ne se limite pas aux régions syriennes, mais il est tentant d’aller en chercher les exemples dans une province relativement bien étudiée. Là existèrent en effet des villes repliées sur elles-mêmes auprès de ces impressionnantes citadelles dont le plus beau spécimen, à côté de celles de Damas, de Homs, de Baalbek ou de Bosra, est sans doute la majestueuse forteresse d’Alep, dressée encore aujourd’hui au-dessus de son glacis circulaire.

L’accent mis sur les défenses militaires, en raison des guerres incessantes menées alors contre les Francs, ne les empêchait pas d’être en même temps actives intellectuellement et économiquement. L’extension des souks à leurs quartiers suburbains, la multiplication des funduks destinés aux marchands musulmans ou étrangers peuvent en être prises pour signes, de même que l’accroissement constant du nombre des monuments religieux secondaires parsemant une cité par ailleurs protégée et intérieurement divisée en quartiers clos. Aussi bien le tracé des rues s’était-il à cette époque sensiblement modifié.

On l’observe par exemple dans une ville telle que Damas, où l’on vit non seulement une rue étroite et sinueuse remplacer l’avenue à colonnades qui traversait jadis la ville mais les anciens îlots réguliers des maisons s’estomper peu à peu sous des constructions qui ne permettent plus de retrouver qu’avec peine leur découpage ancien. C’était l’apparition des symptômes de vieillissement qui paralysèrent peu à peu des cités jadis brillantes.

Certes, ce courant n’avait rien d’irréversible et l’on vit ensuite revivre d’anciennes métropoles d’empire et villes de gouvernement, telles l’ottomane Istanbul, l’Isfahan séfévide ou même les cités marocaines de Fès, Marrakech et Meknès sous les Mérinides, les Saadiens ou les Alaouides. Mais il s’agissait toujours de la répétition de schémas proprement médiévaux, correspondant au niveau même auquel continua de se maintenir la civilisation islamique jusqu’aux premières années du XIXe siècle.

Alors seulement se manifestèrent ces types de villes progressivement touchées par les nouveaux modes de construction et de locomotion, transformées surtout par l’irruption des habitudes commerciales et industrielles modernes, et dont la structure et l’aspect ne cessèrent de se modifier avec une soudaineté contraire à la lenteur d’évolution que l’on connaissait auparavant dans les mêmes régions. Leurs réalisations échappent à coup sûr à l’image stéréotypée de la cité musulmane que l’on n’a jamais tant vantée que pour mieux les condamner. Ne s’inscrivent-elles pas, au contraire, dans la ligne d’une évolution de l’urbanisme en pays d’islam conforme à l’évolution historique de ces mêmes pays? C’est une question qu’il importe de poser parmi celles qui s’offrent à tout observateur de la société musulmane contemporaine et de ses imprévisibles mutations.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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